Fabrice Tignac Quand le rasoir devient pinceau.
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Fabrice Tignac Quand le rasoir devient pinceau.
Les images de Fabrice Tignac évoquent les photos de classe sur lesquelles, le visage d’un élève peu apprécié, a été gratté jusqu’à laisser apparaitre le blanc du papier. Ici, la photo n’est plus un simple aplat, elle regagne du volume, de la matière grâce aux coups de rasoir assenés par la main de son auteur. Les yeux des personnages sont lacérés, les lignes des façades d’immeubles s’étirent au-delà de la pierre qui les forme, les paysages deviennent abstraits car ils perdent tout ce qui les rend uniques, reconnaissables. La couleur grattée laisse place à des halos de lumières plus crus, plus rouges.
Pendant 15 ans, Fabrice Tignac était sculpteur et dessinateur. Dans le cadre de ses différentes expositions et résidences, il devait souvent proposer une idée d’affiche ou d’invitation alors que la pièce qu’il était en train de réaliser était loin d’être terminée. À cette occasion, il a souvent proposé ces photos retravaillées au rasoir.
Initialement, l’artiste prenait des clichés des lieux d’exposition afin de mieux y adapter les pièces qui leur étaient destinées. Alors que la photographie accompagnait le geste de création du sculpteur, elle s’est finalement imposée comme un nouveau support. Et la démarche n’est pas du tout éloignée de la sculpture puisque Fabrice Tignac raye, creuse, gratte: il donne une nouvelle existence à des clichés qui sont dépourvus de toute dimension esthétique. Et c’est justement le geste, celui qui triture, qui étire un trait, dévoile une nouvelle couleur, qui finit par séduire.
La démarche s’apparente à celle de Gerhard Richter (.artsy ) Le maître allemand avait l’habitude de s’appuyer sur des photos pour composer ses paysages abstraits; au fil du travail, il aimait déposer un trait de couleur sur l’image et finalement l’accumulation de celles-ci lui est apparue autant intéressante que les toiles elles-mêmes. L’accident devient créatif et le geste s’impose ainsi comme une véritable démarche artistique, une expérimentation.
La force du travail de Fabrice Tignac réside dans le fait qu’il parvient à rendre universelle une image qui est pourtant initialement issue de son quotidien. La forme barrée, gommée comme le regard du sujet, évoque les souvenirs effacés par le temps, la mémoire défaillante qui estompe la précision du souvenir pour ne laisser survivre que la sensation du passé et l’émotion qui lui est attachée. L’utilisation de l’argentique est par essence quelque peu nostalgique, mais la violence du geste apposé, elle, relève bien du présent.